La Terre de Feu : Marianne 35 ans, 75 Paris - Novembre 2014

Les paysages : d’un autre monde. S’ils peuvent parfois rappeler des paysages plus proches de nous (allez, disons le Finistère nord), ils sont à une toute autre échelle : sans fin, sans route et sans barrière ! On ne s’éloigne jamais beaucoup de l’océan, qu’on longe pendant toute la randonnée jusqu’à la pointe de la péninsule de Mitre, avant de faire le chemin en sens inverse après deux journées de repos et de contemplation à Bahia Thetis. La lumière, le vent, les marées : tout change tellement vite qu’aucune sensation de déjà-vu n’est à craindre lors du retour. Au contraire, c’est un vrai plaisir de repasser par des endroits que l’on a appréciés à l’aller, et de les découvrir sous un nouvel angle. Falaises, tourbières, forêts, volcans et plages de sable noir lisses comme des miroirs à marée basse : tout y est. Y compris les hordes de chevaux sauvages (au milieu desquels on galope à fond de train), les carcasses de baleines ou d’animaux sauvages, les épaves de bateau et les troupeaux de guanacos !
 
L’intérêt culturel et historique : j’ai eu la chance d’être la seule "touriste" inscrite à cette randonnée, mes coéquipiers étant de proches amis du guide Adolfo. Résultat : immersion garantie dans la vie argentine en générale et fuégienne en particulier ! Sans parler un mot d’espagnol, j’étais bilingue au bout de trois jours, ou du moins j’ai eu l’impression de l’être, la faute au Norton (vin rouge qui a coulé à flots). Chacun a pris plaisir à me raconter des anecdotes sur la région ou à attirer mon attention sur des phénomènes géologiques, des fleurs typiques de la région, des animaux bien cachés… L’histoire des puestos où nous avons dormi, simples abris de gaucho ou bâtiments d’anciennes exploitations de laine ou de graisse de lions de mer, m’a également été contée. Et les deux soirées que nous avons passées à l’estancia La Chaira furent l’occasion de voir les derniers gauchos au travail. Dont le fils d’Adolfo, Agustin : la petite vingtaine et prêt à assurer la relève ! Je ne m’étendrai pas sur Ushuaia, traversée en coup de vent. Je n’ai maintenant qu’une envie : passer quelques semaines dans une estancia, à apprendre à travailler à cheval.
 
L’intendance : vols parfaits (merci Christophe pour les 4 hublots !). Laura, la femme d’Adolfo, est venue me chercher à l’aéroport d’Ushuaia pour m’emmener à la Posta, le sympathique hôtel qu’elle tient à seulement quelques minutes de là. Le lendemain, compter 3h30 de route pour rallier l’estancia Maria Luisa, où l’on retrouve les chevaux. Côté hébergement, c’est rudimentaire, mais c’est ce qu’on est venu chercher. Pas de réseau, pas d’électricité (sauf à Bahia Thetis où il est possible de recharger la batterie de son appareil photo en milieu de séjour), de l’eau de pluie comme boisson et quatre planches au fond du pré pour les toilettes. Mais l’ambiance chaleureuse des soirées autour du poêle, les talents de cuistot d’Adolfo et un bon duvet font qu’on ne ressent ni froid, ni inconfort. Le refuge de Bahia Thetis, à la pointe de la Terre de Feu, est un petit paradis aménagé et décoré avec soin par le guide et ses amis, qui l’améliorent un peu chaque année. J’ai eu la chance de participer, à mon petit niveau, à la fabrication de la nouvelle table-tronc d’arbre et n’en suis pas peu fière ! Tout le long du trajet, nous avons d’ailleurs effectué de menues réparations aux endroits où nous nous arrêtions pour dormir, dans le souci de préserver les lieux pour les randonneurs suivants.
 
Les guides : que dire qui n’a pas déjà été dit (même cette phrase a déjà été dite). Adolfo est adorable, humble, discret, drôle, serviable et couteau-suisse. C’est également un incroyable homme de cheval, que ses animaux aiment et respectent. Quoi qu’il arrive, il reste d’un calme imperturbable et garde toujours un œil sur vous, l’air de rien. On se sent du coup en totale sécurité : avec lui, il n’y a jamais de passages "difficiles", que des passages "intéressants" ! Bref, il est essentiel à cette randonnée.
 
Les chevaux : on peut monter dessus les yeux fermés, et ce n’est pas qu’une image ! Ayant une légère tendance au vertige, il m’est arrivé, lors du franchissement de certains passages "intéressants", de fermer les yeux, poser les rênes et laisser faire l’expert. Aucun mouvement d’humeur à déplorer, malgré les difficultés du parcours, les tourbières où l’on s’enfonce et les galops à fond de train. Les selles sont très confortables et on ne manque pas de peau de moutons pour les fessiers sensibles.
 
Suggestions : faites votre sac avec un grand soin. L’été fuégien, c’est toujours le risque d’avoir à subir du vent (fort), des pluies (régulières) et du froid (glacial). Pas de fioritures : tout doit rentrer dans un sac étanche chargé ensuite sur un cheval de bât. De toute façon, on ne peut se laver qu’à La Chaira et Bahia Thetis (5 mn savon compris), ainsi qu’à Policarpo pour les plus courageux (salle de bain glaciale). Donc, tout miser sur les vêtements techniques : un manteau très chaud type manteau de ski, un coupe-vent vraiment imperméable à rajouter par-dessus, polaires, bonnet, gants imperméables… Pas besoin de vêtements de détente hormis à Bahia Thetis, où un pantalon de type rando est utile pour aller voir le phare et les lions de mer. Avec un bon duvet et une doublure technique, je n’ai pas eu froid la nuit, et pas eu besoin de tapis de sol grâce aux matelas des refuges (à la propreté approximative : un plaid en polaire type celui de l’avion à poser dessus trouve toute son utilité dans ces cas-là). Une mini trousse de toilette avec des échantillons de savon, shampooing, crème solaire et dentifrice suffit. Très utile : une lingette en microfibre pour se laver succinctement sans gaspiller l’eau, et qui sèche en deux minutes près du poêle. La lampe de poche est nécessaire pour ne pas passer à côté (ou au travers) des WC la nuit.
 
Palmarès de Marianne : Argentine 2014 (20/20), Patagonie 2011, Maroc 2010 (18/20), Jordanie 2010 (18/20), Turquie 2007 (18/20).

NOTE : 20/20